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Comment assurer une veille indépendante sur les médicaments ?

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Compte-rendu du petit-déjeuner du jeudi 23 février 2017.

Douze journalistes (dont deux tous nouveaux adhérents de l'AJSPI) étaient présents.

Elisabeth Elefant  dirige le Crat  ( Centre de référence sur les agents tératogènes ) depuis 1982, un service d'information totalement indépendant de l'industrie pharmaceutique spécialisé sur les risques liés aux  médicaments et à d’autres agents (vaccins, radiations…) pendant la grossesse et l'allaitement. Elle a expliqué que le financement de cet organisme, assuré  à parts à peu près égales par l'AP-HP et par l'Agence du médicament (Ansm), était rediscuté tous les trois ans, avec une tendance inexorable à la baisse. Elle s'inquiète aujourd'hui de la pérennité du Crat, alors que l'équipe doit répondre à quelques 3500 questions par an de praticiens (quels effets indésirables de tel traitement ? Nécessité ou pas de prescrire tel nouveau vaccin ? etc), et assurer depuis 2006 la rédaction et la mise à jour sur internet d’un millier de fiches sur des médicaments toujours plus nombreux, accessible à tous publics (17 000 connexions par jour). « La mise à jour de certaines fiches nous demande parfois 15 jours de travail, et notre équipe  n'est composée que de trois médecins à temps plein.  A Berlin ils sont une trentaine de personnes pour faire le même travail ! », s'indigne Elisabeth Elefant.

C'est justement pour éviter de dépendre des aléas des financements publics et garder son entière indépendance que depuis 1992 Prescrire a pour seules ressources ses abonnés. Créée en 1981, la revue était auparavant financée par des subventions du ministère de la Santé. « Avec l'affaire du Médiator, notre  revue, mensuelle, a connu un pic de 35000 abonnés, » a expliqué Bruno Toussaint, le rédacteur en chef, mais leur nombre est revenu au niveau à peu près stable désormais de 28 000 : des praticiens essentiellement, puisque Prescrire s'adresse avant tout aux professionnels, même si une partie de son site internet est accessible au public. 

La revue est réalisée par 75 personnes équivalents temps plein, dont 50 à la rédaction, qui sont généralement praticiens à temps partiel.

Contrairement au Crat, Prescrire ne répond quasiment pas aux demandes d'informations particulières, mais assure une veille permanente sur tous les médicaments de toutes les spécialités, grâce à une lecture de la littérature scientifique, des rapports des différentes agences de santé françaises et internationales, et des registres de suivi médicaux.

Selon ces deux professionnels, la multiplication ces trente dernières années des « affaires » type Uvestérol, Médiator, Dépakine, pilule de 4eme génération, etc, est due à trois principales raisons :

  • L'influence grandissante des laboratoires pharmaceutiques ;
  • Le fait que les professionnels de santé, médecins et pharmaciens, ne notifient que rarement les effets indésirables des médicaments : on souffre donc en France d'un manque de données vraiment organisées et fiables ;
  • Enfin, quand finalement une évidence d'effet indésirable est admise, comme ce fut le cas récemment avec la Dépakine, les agences de contrôle ne communiquent pas suffisamment auprès des médecins, des pharmaciens et des patients, pour avertir du danger et de la nécessité de changer les prescriptions.  « Or nous ne pouvons, au Crat, à la fois mettre en évidence les dangers liés à un médicament, et ensuite nous assurer que cette information est bien répercutée ! » 

Résultat de tout cela :  « Paradoxalement, dans le cas des femmes enceintes par exemple, c'est désormais un principe de précaution maximum  -et outrancier- qui est appliqué, a expliqué Elisabeth Elefant. Par peur des effets indésirables et donc des procès, certains médecins évitent de prescrire des traitements dont les femmes auraient besoin, et ils ont parfois recours à des IVG abusives. »


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