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Racisme et préjugés

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Compte-rendu du petit-déjeuner « Racisme et préjugés » du 7 mars 2017.

Onze journalistes de l’AJSPI ont assisté à ce petit déjeuner au cours duquel Evelyne Heyer, professeur d’anthropologie génétique et Carole Reynaud-Paligot historienne à Paris1-Paris 4 ont répondu aux questions. Le dossier de presse de l’exposition à venir au Musée de l’homme ayant été envoyé aux membres inscrits et distribué en version papier le jour même, nous n’avons pas abordé la scénographie et les choix muséaux. Voir en pièce jointe. La conversation a abordé le pourquoi de l’exposition et les études ayant servi à étayer le propos.

Cette première exposition temporaire est prévue de très longue date (au moment de la restauration du bâtiment !), mais elle tombe évidemment à point nommé en raison du contexte politique et international actuel et des discours parfois extrêmes qu’on peut entendre, à un moment où le sentiment de discrimination est très fort chez certains.

Evelyne Heyer explique que le propos de départ était de comprendre ce qu’est le racisme. D’où vient-il ? En donnant des informations aux visiteurs, elle pense qu’on peut améliorer nos comportements. Des chercheurs de toutes disciplines (sociologie, anthropologie, démographes, historiens, psychologie sociale…) ont été réunis pour travailler sur le propos de l’exposition.

À la question « le racisme est-il inhérent aux êtres humains ? », aucune réponse n’est apportée. Les anthropologues seraient toutefois enclins à le penser. Les historiens, eux étudient des cas. Dans l’exposition, 3 cas concrets  ont été choisis : l’antisémitisme de l’Allemagne nazie, la guerre civile au Rwanda et la ségrégation raciale aux États-Unis.  Ce qui est certain, selon Carole Raynaud-Paligot, c’est que 2 ressorts sont assez systématiquement présents dans le racisme : le colonialisme et le nationalisme. Même les castes en Inde relèvent selon Evelyne Heyer de ces vecteurs.

Une grande enquête de l’INED baptisée Teo (trajectoire et origines) semble avoir été largement utilisée pour l’exposition. Elle aborde notamment les questions de discriminations, d’intégration (quel est le parcours des enfants nés en France de parents immigrés ?). Au moment où il y a compétition, il y a discrimination, souligne Evelyne Heyer. Mais, il y a, dit-elle, une bonne fluidité des relations sociales en France et finalement une bonne intégration. Dans la population générale , 98% des personnes interrogées se sentent françaises . Ce chiffre est de 93% parmi les enfants d’immigrés.

L’indice de tolérance augmente au fil des décennies avec toutefois un effet yoyo en fonction des événements (attentat, crise migratoire, etc).

La responsabilité des journalistes et des politiques dans le racisme est pointé du doigt par les chercheurs. Les journalistes (ceux des télévisions) sont accusés, pour aller vite, de toujours donner la même représentation caricaturale des événements notamment de la banlieue. Ils ne le font pas toujours de façon consciente. Quant aux politiques, ils surfent sur les événements par facilité.

Le travail d’Abdellali Hajjat, sociologue est mentionné. Il a étudié le racisme anti-musulman et montré la part de responsabilités des autorités publiques. Lors des grandes grèves dans l’industrie automobile dans les années 80, les Maghrébins fortement présents dans cette branche ont été stigmatisés. Alors que leurs revendications étaient sociales, le gouvernement de l’époque les a stigmatisés, en mettant en avant des demandes religieuses de la part des grévistes.

Idem pour le port du voile  entre la fin des années 90 et aujourd’hui. La loi Stasi avait permis de gérer la question, mais ça a dégénéré en raison de stigmatisation de la part de la classe politique.

Aux États-Unis, à la fin de la guerre froide, difficile de conserver dans le viseur les communistes comme ennemis N°1. Résultat, la cible s’est portée sur la communauté noire.

Sur l’antisémitisme, les travaux de Nonna Meyer sont cités. Il n’y aurait plus de discrimination ou de racisme, mais des préjugés oui (les juifs sont riches , sont très présents dans les médias,etc).

La CNCDH (commission nationale consultative des droits de l’homme) a dressé une liste des groupes les plus stigmatisés. Les Roms arrivent en tête , parfois « animalisés » avec une fois de plus la responsabilité médiatique pointée du doigt, les juifs sont en dernier.

Génétique et préjugés médicaux : Les médecins qui posent des diagnostics en fonction de l’origine géographique des patients ont-ils raison ? Noirs et drépanocytose par exemple ? N’ y a-t-il pas là du racisme ? Non selon Evelyne Heyer dans la mesure où en génétique, l’adaptation au milieu naturel est majeure dans l’évolution. Selon elle, c’est par économie qu’on ne recherche pas chez tous les patients certaines prédispositions. Il est clair que la prévalence est supérieure chez certains groupes de population. Les tibétains respirent mieux en altitude que les normands et si on est africain, on a plus de risque d’être sensible à la malaria. La notion de clusters de proximité génétique est désormais reconnue. Certes elle a été dévoyée par l’extrême droite, mais elle est bien scientifique.

Pourquoi à un moment donné  a-t-on cessé de parler de races ? Sans proposer un autre discours à la place ? Pour les généticiens, chez les humains, la notion de races ne tient pas, car il y a très peu de différences génétiques dans l’espèce humaine. Beaucoup moins que chez les animaux par exemple où on a créé des races par la sélection. Si on ne peut nier les différences chez l’homme, il convient surtout de les expliquer.

On note une très grande différence dans la définition du racisme suivant les pays. Chez les Anglo-Saxons par exemple, le racisme est  seulement associé à la couleur de peau. Il n’y a pas de terme pour évoquer d’autres types de racisme.
D’ailleurs, certains sujets de recherche sont peu étudiés en UK par exemple.

Le racisme anti blanc : selon l’enquête Teo de l’INED, il existe, mais n’est pas associé à la discrimination. On peut avoir été insulté à cause de sa couleur, mais on ne connaît pas de cas de discrimination à l’emploi par exemple chez les blancs.

La législation progresse depuis 40 ans, mais paradoxalement, la classe politique qui œuvre pour ce progrès continue de surfer sur le racisme  à des fins électoralistes.


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