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Bioéconomie : risques et enjeux d’un recours croissant aux biomasses

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Compte-rendu du petit-déjeuner Bioéconomie du 30 mars 2017.

La bioéconomie désigne tous les usages des biomasses (alimentation, chimie, énergie…) mais on sait mal la définir : est-ce la même chose que la chimie verte, l’économie circulaire ou la biologie industrielle ? En tout cas, l’actualité est riche sur ce sujet : en janvier dernier, la France a lancé sa stratégie nationale pour la bioéconomie ; le Conseil économique social et environnemental (CESE) publie, fin mars, ses recommandations pour rendre « durables » les bioindustries mobilisant les biomasses agricoles, forestières ou marines : le sommet des produits biosourcés (PBS) se tient à Lille fin avril. Quels sont les enjeux et les divers modèles de la bioéconomie qui se profilent ?  Qui est concerné par cette transition bioéconomique ? Va-t-elle nous affranchir de la dépendance au pétrole, et réduire nos pollutions et nos empreintes  carbone ?

Avec :

  • Thierry Stadler, Vice-Président de l’Association Chimie du végétal (ACDV) organisateur du Plant Based Summit (25-26 avril 2017, Lille) et Président du Pôle de Compétitivité à vication mondiale Industries et Agroressources (IAR).
  • Jean-David Abel, co-rapporteur du rapport Bioéconomie soutenable du Conseil économique Social et Environnemental (CESE), vice président de France Nature Environnement.
  • Pierre-Alain Schieb, prospectiviste, ancien Chef des Projets de l'OCDE (notamment Bioéconomie 2030), premier titulaire de la Chaire de Bioéconomie Industrielle de Neoma Business School, Cofondateur du Forum BioRESP, Auteur et co-auteur de Bioraffinerie 2030, L'Harmattan, 2014 et Compétitivité et soutenabilité de la Bioéconomie 2050, L'Harmattan, 2016.
  • Thierry Stadler présente le pôle de compétitivité Industries et agroressources (IAR) qui fédère 350 adhérents. Il est aussi président du COS de l’Institut Carnot 3BCAR dédié aux bioénergies, biomolécules et matériaux biosourcés du carbone renouvelable.

Il revient sur le terme de « bioéconomie » qui met du temps à être approprié par les politiques. Il désigne quatre marchés : l’agroalimentaire, la chimie, les matériaux biosourcés et les bioénergies. La bioéconomie est basée sur le carbone renouvelable dont l’usage a une moindre empreinte carbone que les ressources fossiles.

La bioéconomie est une notion qui vise à décloisonner et à traiter les activités dans des écosystèmes. Elle change les relations entre les organisations et la répartition des valeurs. Le pôle IAR est un creuset pour inventer de nouveaux débouchés : usages des fibres végétales pour l’automobile, des sucres pour les bioplastiques… Les nouveaux produits sont peu perceptibles par le grand public car leurs clients sont des intégrateurs (B to B) qui ne mettent pas forcément en valeur les changements de composants (ex les tableaux de bord ou intérieurs des portières biosourcées fabriquées par Faurecia pour les constructeurs automobiles)

Pour saisir le foisonnement récent des produits biosourcés, il faut visiter l’Agrobiobase qui présente plus de 300 produits…

La bioéconomie concerne non seulement l’agriculture mais aussi la forêt et la mer. La valeur ajoutée du recours aux biomasses c’est une moindre empreinte CO2. Ce sont les modes de production des biomasses qui vont être déterminants : ils peuvent contribuer jusqu’à 50% aux bilans carbone des analyses des cycles de vie (ACV). Ces ACV doivent donc être territoriales. L’ADEME et l’Association Chimie du végétal sont engagés dans des procédures normalisables. Une étude comparative biosourcé/pétrosourcé sur les portières de voiture a été publiée

Globalement, le bénéfice environnemental donne un premium de 10 à 15% aux matériaux biosourcés par rapport aux produits pétrosourcés. Il faut souvent chercher d’autres atouts et fonctionnalités comme l’allègement des structures dans les transports (-30% du poids avec matières composites avec du chanvre ou du lin). Les matières isolantes en chanvre progressent aussi dans le bâtiment. Les pays nordiques ont développé beaucoup d’applications : la fabrique de cartons et papier à partir d’amidon, la fermentation à partir des sucres… Mais ce qui est important à souligner ce sont les nouveaux procédés (extraction, génie génétique et enzymatique…) qui permettent de déconstruire la lignocellulose pour récupérer des sucres, la lignine et des résines. Les marchés les plus porteurs aujourd’hui sont ceux de la détergence, des biolubrifiants, des peintures biosourcées.

Dans le domaine de l’énergie, les unités de méthanisation dépendent des prix de rachat du gaz réinjecté dans les réseaux. On voit des tracteurs qui marchent au biogaz notamment en Italie.

Pour l’alimentation dite « intelligente » , on développe des protéines végétales (groupe de travail dédié au sein de la NFI).

Concernant la compétition avec l’alimentation, la position du pôle IAR est de miser et valoriser des « spécialités ». Ce sont des marchés de niches différents à forte valeur ajoutée

Les partenariats public-privé sont indispensables : le consortium Biobased industries (BBI) permet ainsi de développer des démonstrateurs. La Bioeconomie est soumise aux aléas du prix du baril qui aujourd’hui est bas et maintient certains projets dans les tiroirs.

Jean-David Abel souligne l’interdépendance des secteurs de la bioéconomie qui offre diverses opportunités : des substitutions aux ressources fossiles ; une organisation circulaire de la production (sortir du gaspillage) ; une valorisation de l’économie locale avec ses atouts humains et environnementaux.

Une surexploitation peut se produire si nous ne sommes pas capables de coordonner ces activités, de hiérarchiser les usages, de veiller au bon usage des sols, de limiter les flux internationaux de matières agricoles (huile de palme, bioraffineries portuaires). Il faut veiller à éviter la concurrence de tous contre tous !

La stratégie nationale cumule les données, présente les opportunités, mais ne hiérarchise pas les actions. Nous aurions besoin d’une Task Force capable de produire des scenarios.

Aujourd’hui en France, il y a 900 unités de méthanisation (Ségolène Royal en veut 5 000)  qui utilisent les effluents agricoles et les déchets organiques des collectivités. On envisage des cultures dites « dérobées » (sur les bordures) mais pas la solution allemande de cultures dédiées.

Selon Thierry Stadler, on utilise des technologies allemandes pour nos méthaniseurs qui utilisent pourtant des matières très diversifiées : ce n’est pas adapté. On ne sait pas bien valoriser la chaleur. Mais nous avons progressé en sortant les digestats de statuts de déchets !

Pierre-Alain Schieb rappelle les travaux qu’il a menés pour l’OCDE avec la vision orientée techno de la bioéconomie : les biotechnologies ont été vues comme des leviers pour des ruptures dans les modes de production, les styles de vie et la gouvernance. Il présente le livre qu’il a publié sur la bioraffinerie de Pomacle-Bazancourt. Celle-ci constitue un cluster d’écologie industriel avec des chaires de Centrale et AgroParistech et un chiffre d’affaires annuel de 700 M€. Des efforts ont été accomplis pour baisser les consommation d’eau et pour valoriser le C02 (implantation d’Air Liquide pour produire du gaz carbonique biologique).

Il y a 37 bioraffineries en Europe (et 2 en construction) : il en faudrait 400 si l’on veut être à la hauteur des défis et convertir 15 à 20% de la pétrochimie Européenne en production biosourcée (aux Etats Unis où on en compte déjà 280).

P-A Schieb présente  son travail prospectif qui a donné lieu à un  livre sur la bioéconomie soutenable. Il pointe le « coût de l’inaction » qui aboutit d’ici 2050 à voir l’Europe importer du charbon et des bioressources (comme l’huile de palme très compétitive) et à baisser drastiquement ses productions de betteraves. C’est très inquiétant, estime-t-il tout en remarquant que personne ne s’alarme véritablement.

La bioéconomie c’est pourtant un outil de mise en cohérence, pour tenir tous les bouts de la soutenablilité. Les gens sont focalisés sur les questions climatiques ou d’usage des sols et ne regardent pas le reste ce qui conduit à des politiques qui ne sont pas robustes.

On peut progresser dans la construction de scenarios désirables pour aligner les facteurs et les acteurs. Il faut signaler que les volants d’action sont faibles car une politique très volontariste déplace peu la trajectoire (3%) à court ou moyen terme. Mieux vaut commencer tôt  si l’on veut infléchir une trajectoire au bénéfice des futures générations.

Questions

1/ Les distorsions de concurrence avec les produits pétrosourcés  - par PA Schieb

Il nous faudrait disposer des bilans complets des impacts de ce que nous consommons. Importer des produits indiens, cela a un impact local en terme de coût en eau, en énergie, en transport. De même les pellets de bois de l’Ouest Canadien qui transitent par la Canal de Panama pour alimenter les chaudières européennes.

La non taxations des carburants pour le transport aérien et maritime international constitue un manque à gagner pour la France de 6 Milliards d’€ par an (70 Milliards d’€ pour le monde). C’est le résultat de la Convention de Chicago de 1954 qui exonère le transport international aérien de toute taxe sur les carburants.

L’OCDE a chiffré ce que cela représente comme subventions directes au secteur pétrolier, soit 548 milliards de US dollars ramené à 350 milliards aujourd’hui. Le Fonds Monétaire International estime que si l’on inclut les coûts environnementaux afférents le manque à gagner est de  5 000 milliards de US dollars. Ces subventions aux ressources fossiles devraient faire l’objet de compensations en faveur des productions biosourcées dans les territoires si l’on ne peut les supprimer.

2/ Le modèle Vulcain mis en avant à la fin du rapport du CESE  - par JD Abel

Il s’agit d’agréger les données sur les usages des ressources minières, renouvelables ou non renouvelables. Faire apparaître un équilibre calculable en superposant les données physiques et les données économiques. Il y a des problèmes de déplétions dans les matières premières mais aussi dans les services écosystémiques : il faut parvenir à instaurer des régulations.

Au plan local cela passe par des accords entre acteurs interdépendants (producteurs et acheteurs). Une illustration est donnée avec un territoire de la Drôme où un collectif couvrant 500 hectares s’était entendu pour produire QUOI ??? avec un prix garanti. Mais l’attraction à un moment vers un prix plus attractif a fait échouer l’organisation. La concurrence casse les efforts de stabilisation.

Pour le bois, Il existe des contrats avec l’ONF sur 15 ans, qui évitent les fluctuations du pétrole

Pour les déchets agricoles et leur valorisation gaz, on voit des concurrences aux frontières avec des camions qui peuvent faire 200 kms pour acheminer les cargaisons dans des territoires qui offrent un meilleur tarif de rachat.

3/ Initiatives de Bioéconomie à l’échelle locale :

  • Bioraffinerie de Pomacle-Bazancourt (Reims) par deux coopératives :  VIvescia et Cristal Union (cf. Livre Bioraffinerie 2030).
  • Bioraffinerie de Borregard (Danemark).
  • Reconversion en Sardaigne (Porto Rosso) d’une raffinerie pétrolière  en bioraffinerie par Novamont pour la faire tourner avec le chardon local (investissement de départ 200 ME et cumulé de 500 M€).
  • Bioraffinerie locale en Ecosse pour des communautés isolées et fragiles et leur donner une autonomie (pas de réseaux de transports locaux efficaces).
  • Valorisation des déchets municipaux à Rotterdam en projet avec la société ENERKEM du Canada et Akzo Nobel sur place (communiqué de presse).

Références récentes :

Numéro spécial de Réalités Industrielles (Annale des Mines) Février 2017 : La biologie industrielle : enjeux technologiques, économiques et sociétaux. VOIR Notamment, distorsion de compétition, page 63.


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