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Les journalistes face aux vaccins

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L’Institut des sciences de la communication (ISCC - CNRS/Paris-Sorbonne/UPMC) et l’AJSPI ont co-organisé, le 25 octobre dernier, un colloque sur le thème suivant : Les journalistes face au vaccin. Environ 90 personnes étaient présentes, dont une trentaine de journalistes, des communicants, des industriels, des chercheurs en science sociale, des professionnels de santé ainsi que des représentants politiques.

La France est l’un des pays où l’on doute le plus des vaccins. Près de 40 % des français se disent plutôt ou tout à fait défavorables à la vaccination. Quant aux médecins, un quart d’entre eux expriment des doutes à l’égard des risques et de l’utilité de certains vaccins. Face à cette véritable épidémie de défiance, le gouvernement mène pour la première fois une grande concertation citoyenne sur la vaccination. L’objectif de ce colloque est certes de faire un point sur ces questions complexes des vaccins et sur les raisons des  réticences françaises, mais il vise aussi à analyser la manière dont les journalistes traitent ce sujet, à mieux comprendre leur place dans les différentes controverses vaccinales. Le regard croisé de chercheurs, de sociologues, d’industriels et de journalistes doit permettre non seulement d’éclairer les débats en cours mais également de mieux cerner le rôle spécifique des journalistes dans ce contexte.

Ouverture

La sénatrice Corinne Bouchoux ouvre la journée, soulignant la nécessité de débattre sereinement de ces questions. Gérard Arnold et Lise Barnéoud poursuivent, en précisant qu’il s’agit d’un débat organisé dans le cadre d’une collaboration entre l’ISCC, l’Institut des Sciences de la Communication du CNRS et l’AJSPI, l’association des journalistes scientifiques de la presse d’information.

Histoire des réticences face aux vaccins

Première intervention, celle d’Anne-Marie Moulin, médecin, philosophe et historienne des sciences, qui retrace l’histoire des réticences à la vaccination. Ces réticences émergent des religieux, mais aussi en réaction à la « violence de l’Etat » ainsi qu’à l’issue de controverses scientifiques. Aujourd’hui, le « rêve vaccinal » français (un vaccin 100 % efficace, sans effet secondaire, indolore, pour toutes les maladies et personnalisé) est en décalage avec la réalité, ce qui est source de déception et de défiance. Enjeu : passer de cette image historique idéale une représentation moderne plus réaliste.

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État des lieux des réticences actuelles et déterminants de la confiance en France et en Europe

Seconde intervention, celle de Jocelyn Raude, sociologue à l’EHESP. Le chercheur débute son intervention par le récit d’une expérience, menée par un journaliste allemand, qui a écrit un faux article scientifique affirmant que le chocolat faisait maigrir. Il est repris par la plupart des journaux européens alors que tout était bidon. Le sociologue cite également l’étude d’Heidi Larsson qui montre que le traitement médiatique français sur les vaccins est l’un des plus critiques au monde. Il observe un continuum parmi la population : les partisans (qui acceptent sans condition les vaccins), les prudents (qui acceptent la plupart des recommandations), les sceptiques (qui acceptent seulement quelques recommandations) et les opposants (qui rejettent sans condition les vaccins). Parmi ses explications sur la défiance : le déficit de culture scientifique, la persistance de vieilles théories médicales, la transformation radicale du « marché » de l’information avec Internet, la crise de confiance vis-à-vis des institutions…

Qui fait la politique vaccinale en France et sur quels critères ?

Vient ensuite la présentation de Daniel Floret, pédiatre, président du comité technique des vaccinations (CTV) de 2007 à 2016, qui présente comment se décide la politique vaccinale en France. Jusqu’à présent, le CTV émettait un avis et des propositions de bonnes pratiques en fonction des données disponibles sur les caractéristiques épidémiologiques des maladies, de l’évaluation des vaccins et de ses effets secondaires, des recommandations internationales, des modélisations de l’impact attendu d’une vaccination ou encore des études coûts/bénéfices. (Un problème : il n’existe pas de seuil coût/efficacité reconnu en France). L’avis du CTV était presque systématiquement suivi par le ministère. Un autre comité, le CEPS, était quant à lui chargé de déterminer le prix acceptable et les niveaux de remboursement (« avec un fonctionnement opaque pour moi », précise-t-il). Il fait également un point sur les différences entre les recommandations des différents pays en Europe (concernant notamment le rotavirus, la varicelle et l’hépatite B).

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Le making off des vaccins

Une discussion sur le « making-off » des vaccins suivait, avec Serge Montéro, vice-président de Sanofi France et président du comité des vaccins du LEEM, ainsi que Jean-Pierre Thierry, médecin, membre de la commission de la transparence de la Haute Autorité de santé où il représente les associations de malades. Serge Montéro nous indique le temps long entre les recherches sur les vaccins et leur éventuelle mise sur le marché, précise que la plupart des vaccins sont aujourd’hui dans le domaine public, mais que la complexité de fabrication est telle que les concurrents sont peu nombreux et les génériques inexistants. Cet oligopole peut poser des problèmes sur les prix, explique Jean-Pierre Thierry, mais pour l’heure, même si des éléments indiquent que le système pourrait commencer à s’emballer (prix des derniers vaccins), le secteur des vaccins reste encore vertueux comparé aux autres médicaments, notamment en cancérologie. Serge Montéro affirme que toutes les données, même les données brutes issues des recherches des industriels sont désormais accessibles à tous, ce que conteste Jean-Pierre Thierry, qui précise par ailleurs qu’une agence comme l’EMA, l’agence européenne du médicament est financée à hauteur de 85 % par l’industrie. Enfin, sur les suivis de pharmacovigilance, Serge Montéro précise les modalités de l’obligation qui est faite aux industriels de constituer une pharmacovigilance à partir des notifications des médecins et Jean-Pierre Thierry souligne l’intérêt d’un carnet de vaccination électronique dans ce cadre : cela permettrait la constitution d’un suivi en temps réel. Il insiste sur le fait que lutter contre « l’épidémie d’anxiété » actuelle c’est paradoxalement accepter de mieux communiquer sur l’incertitude.

Les adjuvants, controverse centrale de la défiance

L’après-midi débute avec une table ronde dédiée aux adjuvants aluminiques, entre Romain Gherardi, chercheur CNRS et auteur des premiers travaux sur la myofasciite à macrophages et Brigitte Autran, immunologiste à l’UPMC. De cette discussion émergent des points de convergence : le fait qu’une petite proportion de personnes vaccinées n’éliminent pas l’aluminium et que cette non-élimination provient notamment de prédispositions génétiques. Là où les avis divergent, c’est sur le lien entre les vaccins adjuvantés et la myofasciite à macrophage. Pour Brigitte Autran, Romain Gherardi observe un lien de temporalité, sachant que ces observations ont débuté au moment de la campagne de vaccination contre l’hépatite B où de nombreux adultes ont été vaccinés, alors que pour Romain Gherardi, il s’agit d’un lien de causalité : l’aluminium présent dans l’organisme des malades provient des adjuvants des vaccins et serait la cause des symptômes observés (douleurs musculaires et articulaires, fatigue…). Gherardi accuse les autorités de refuser de financer ses recherches, notamment parce qu’elles s’écartent du courant majoritaire et s’attaquent à des intérêts économiques, alors que Brigitte Autran estime que ces refus sont liés à la sélection drastique des programmes de recherche financés par l’État. Elle estime notamment que la problématique soulevée par Gherardi ne concerne au final que peu de monde (1 000 patients diagnostiqués par l’équipe de Gherardi au total).

Étude sur la médiatisation de l’annonce par Marisol Touraine du plan d’action pour la rénovation de la politique vaccinale (12-15 janvier 2016)

Céline Vaslin, chargée de ressources documentaires à l’ISCC, présente une revue de presse de l’annonce par le ministère de la Santé du plan d’action de rénovation de la politique vaccinale (janvier 2016). Elle relève une contradiction entre l’importance accordée à la question de l’obligation vaccinale, présentée dans la presse nationale comme un élément central du débat, et le fait que la vaccination n’est efficace que si le taux de couverture vaccinal est très élevé.

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Oser le débat : comment informer dans un contexte aussi controversé que celui des vaccins ?

Enfin, la dernière table ronde était dédiée aux traitements journalistiques. Alain Fischer, professeur d’immunologie et président de la concertation citoyenne sur la vaccination débute en précisant les objectifs de cette concertation et souligne le rôle pivot des journalistes dans le débat, espérant qu’ils soient capables de distinguer les différents niveaux de paroles (chercheurs, lanceurs d’alerte, malades…). Jérémy Ward, sociologue au SESSTIM (Marseille), nous dresse les principales conclusions de sa thèse : alors que les journalistes sont plutôt vus comme des contre-pouvoirs pour de nombreux sujets, ils ne jouent globalement pas ce rôle dans le domaine des vaccins où existe une crainte d’être délégitimé si l’on aborde ces controverses. Il distingue trois « types » de journalistes : le journaliste critique, le journaliste médecin et le journaliste « routinier ». Eric Favereau souligne le changement radical qu’il a observé dans le traitement journalistique des questions médicales avant et après les affaires telles que le sang contaminé ou H1N1. Pour lui, chacun doit rester à sa place, et la place d’un journaliste n’est pas celle d’un agent de santé publique. Alain Labouze confirme que le journaliste n’a pas pour mission première de rétablir la confiance des Français envers la vaccination mais qu’il doit informer sans tabou, même si parfois cela peut confronter à des dilemmes déontologiques (entre son métier de journaliste et le médecin qu’il a été).


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